Une voix s'éteint, une autre s'élève.
Je passe beaucoup de temps en voiture, seule. La voiture comme domicile itinérant, nomade, parfois errant. La caisse comme ils disent. Comme une caisse de résonance aux flots de paroles qu'égrène la radio. J'aimerais trahir notre chère orthographe, écrire "raisonnance" sans qu'un correcteur d'orthographe interpelle ma faute. Raisonnance, raisonner, la raison. Je dois m'en faire une, ce n'est que voeux pieux. La radio a décidé de m'abreuver, jusqu'à plus soif, jusqu'à l'ivresse, celle qui me donne la gueule de bois. Je n'aime pas trop le langage "djeuns", mais leur expression "ça me saoûle" là j'avoue que ça le fait grave.
La radio, cette pute qui raccole l'auditeur, sous prétexte de lui donner la parole. Proxénète animée par des pseudos-journalistes qui usent d'empathie pour attirer le chaland. Votez, appelez, témoignez, donnez-nous votre avis, intervenez, smessez .... Comme de vulgaires VRP intéressés au chiffre d'affaires de l'avis, l'idée. Apologie des appels surtaxés, viol du Talmud, sans transition, désormais, la parole est d'or et le silence unbankable. J'espère qu'ils ont rendu leur carte avant d'enfiler le costume d'animateur de leur talk-show.
Depuis quelques années Michel Polac s'est tu, ce mardi il s'est éteint. Je suis nostalgique de ses "Droit de réponse", orpheline de ses mots. Je pense que je vais visionner toutes les émissions que je trouverai, inspirer profondément ce souffle de liberté. Liberté de parole, liberté d'expression, liberté d'être tout simplement. L'émission était en direct. Débattre, échanger, dialoguer, déraper, provoquer, égratigner, discuter, comprendre, essayer ... Libertaire, presqu'anarchique, perdre le contrôle. J'ai vu quelques images de ses émissions cette nuit en noir et blanc. J'ai pris la mesure du cadre et du formatage qui se sont depuis abattus sur la plupart des émissions actuelles. 1987 dernières volutes de cigarettes, Bouygues a racheté TF1, l'époque va changer, un dessin de wiaz sonne le glas de l'émission. Un bâtisseur est aux commandes, il pose les fondations d'une maison devant recueillir du temps de cerveau disponible. En construction quand une maison a son toit et ses fenêtres on dit qu'elle est "hors d'eau, hors d'air". Ils connaissent bien leur métier. L'immeuble est bétonné, cloisonné, confiné, étanche. Pas de fuites, pas d'air on ne sait jamais desfois que ça nous permette de changer d'air.
L'épitaphe de Michel Polac rédigée par lui-même : "Touche à tout, il a fini par toucher terre".
Monsieur Pollac, vous allez me manquer.
Une voix s'éteint, une autre s'élève.
Merci Monsieur Bassam Tahhan de contrarier le flux des informations politiquement orientées, servies à longueur de journée par les ondes. Félicitations pour avoir su faire entendre votre voix sur cette radio. La Syrie autrefois carrefour des civilisations, aujourd'hui centre d'intérêts macro-économiques. Les images affluent sur nos écrans de télévision, vision douloureuse d'un combat que je ne comprends pas, spectatrice d'une cruauté armée. Je vois mais je ne regarde pas. Confusion des genres, réalité/fiction, des images qui défilent, se suivent et me laissent étrangère, presqu'indifférente. Votre voix m'a alertée sur mon inconscience. J'ai commencé à lire sur l'Histoire de votre pays. Mon Dieu qu'avons nous fait ?
Malgré toutes les lectures que je pourrais faire, j'ai bien peur malheureusement, qu'elles me renvoient inexorablement vers une question que je me pose depuis que j'ai lu entre autres "L'Ensauvagement : Le retour de la Barbarie au XXIème siècle" de Thérèse Delpech : qu'en est-il de l'humanité de l'Homme ? Il parait que L'Histoire permet de mieux comprendre le présent. J'espère, j'ai envie d'y croire. Mais j'ai du mal à me dire que demain je comprendrai que des hommes puissent s'entretuer aujourd'hui. Je ne suis pas philosophe, je ne me réclame pas de Descartes dont je n'ai toujours pas lu le Discours de la Méthode, mais je suis cartésienne, adepte du cogito. Je ne sais pas vers quoi l'éventuelle compréhension que je pourrais avoir des évènements va m'amener. Est-ce que la boule qui étreint ma gorge à l'idée même des massacres perpétrés dans différents endroits du monde va disparaitre ?
Un des combles, c'est que même si au départ de ma volonté de compréhension il y a l'Autre, finalement c'est très égocentrique je trouve. La réflexion est utile à soi, l'action aux autres.